mardi 9 décembre 2008

Interventions de Julien Dray au Conseil National du 6 Décembre 2008

JULIEN DRAY – CONSEIL NATIONAL DU SAMEDI 6 DECEMBRE 2008
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PREMIERE INTERVENTION
@ Julien Dray
Mes chers camarades, j’ai eu, peut-être, un petit avantage sur vous puisque j’ai reçu ce texte hier après-midi et donc j’ai pris le temps, parce que je crois aux écrits, je crois aux textes, je crois aux orientations politiques matérialisées dans les textes, de le lire en détail.
Je voudrais d’abord revenir sur l’état d’esprit qui a visiblement conduit à l’écriture de ce texte : au sortir du vote sur la désignation de notre premier secrétaire, et au-delà de toutes ses péripéties, il y avait deux chemins possibles. Le premier chemin, celui qui correspond à l’état d’esprit dans lequel nous nous étions situés, c’était celui du rassemblement de notre parti, c’était celui du dépassement des conflits avec une volonté nouvelle de trouver de nouvelles formes de travail en commun pour créer les conditions d’une orientation politique partagée par tous.
C’est ça l’état d’esprit premier.
Tel, visiblement, n’a pas été le chemin choisi.
Un certain nombre de camarades ont pris la décision d’écrire entre eux, ce qui est leur liberté, un document, en prenant soin de ne pas associer à l’écriture de ce document d’autres camarades. Et donc c’est un autre chemin qui a été suivi, et je le regrette parce que l’état d’esprit dans lequel notre motion était, et que nous avions manifesté dans les deux entrevues que nous avons eues avec la première secrétaire, c’était effectivement d’aller de l’avant et de se rassembler.
Alors, je voudrais déjà balayer une première remarque : j’entends dire par un certain nombre de camarades : Il y avait deux orientations dans le congrès. Il y avait d’un côté 70 % et de l’autre côté 30 %. Je m’excuse, mes camarades, mais nous avons un certain nombre de formes d’organisation. S’il y avait deux orientations dans le congrès, elles auraient dû se matérialiser par deux textes séparés et la commission des résolutions aurait dû se conclure par deux textes séparés. Ce n’est pas ce qui s’est passé, il y a eu quatre textes soumis au lote de militants et il n’y a pas eu de synthèse dans la commission des résolutions, donc on ne peut pas faire des additions abstraites en rassemblant ce qui n’a pas été rassemblé devant le congrès, devant les militants. Parce que je peux faire, à ce moment-là, d’autres additions : moi aussi je peux dire qu’il y a 50 % du parti qui a voté pour une orientation et 50 % contre une autre. Je peux même dire qu’il y a 80 % du Parti qui ont voté contre une orientation par rapport à une autre. Donc, je ne suis pas d’accord pour faire ces synthèses-là tel qu’elles ont été faites et je le dis ici, parce que moi je ne me suis pas exprimé depuis des jours et des jours, j’ai été respectueux des principes que j’ai voulu appliquer tout au long des mois qui viennent de s’écouler. Nous n’avons pas dit cela, mais devant le Conseil national je le dis : on ne peut pas prendre la responsabilité de réécrire le congrès à la manière dont ça arrange un certain nombre d’entre vous. Ce n’est pas possible. Et on ne peut pas d’autant plus réécrire le congrès qu’il y a eu aussi un vote sur le premier secrétaire et que ce vote a matérialisé une division de 50 % contre 50 autres pour cent du parti et que donc notre responsabilité collective immédiate, oui, je le dis, immédiate, c’était de nous rassembler et c’était le chemin que nous proposons.
Vous n’avez pas choisi ce chemin, nous en tirerons évidemment les conséquences. Et j’en viens au texte.
Camarades, je suis sûr que dans les mois à venir certains vont regretter ce qui était l’essence du travail qu’avait fait notre premier secrétaire. Il l’a dit lui-même, il a dit : « Peut-être qu’on va regretter les synthèses que je faisais. » Parce que, franchement, quand je lis ce document, je vous dis honnêtement, que ce qui avait été fait par exemple pour la synthèse du Mans était nettement supérieur à ce que vous avez fait.
Je vais prendre un exemple très simple. Qu’est-ce que je n’ai pas entendu sur le réformisme de gauche, formule creuse, insensé, qui n’avait pas de contenu. Alors, je me dis : « Ceux qui nous ont critiqués tout au long des mois et des années qui viennent de s’écouler ont forcément inventé une formule magique, intelligente, qui va nous expliquer quelle est désormais l’orientation du Parti socialiste. » Je lis, je mets mes lunettes, ou je les enlève. Le premier message, c’est l’exigence d’un socialisme de gouvernement clairement ancré à gauche, un socialisme de réforme qui inscrit sont action dans la perspective d’un nouvel horizon européen.
Franchement, est-ce que vous voyez la différence, vous, entre cette formule-là et le réformisme de gauche ?
Il aura fallu attendre toutes ces critiques pour avoir cette invention. Je dis autrement, parce que là aussi c’est intéressant, d’autant que les camarades qui ont écrit ce document auraient dû voir que le monde a évolué et a bougé. Je suis pour, effectivement, déterminer les conflits à l’échelle internationale, mais nous expliquer que l'Europe doit aussi faire entendre une voix forte contre l’unilatéralisme américain et son discours du choc des civilisations, il s’est passé, je le dis aux auteurs de ce texte, un truc qui s’appelle le 4 novembre et le 4 novembre, aux États-Unis, il y a un type qui s’appelle Obama qui a été élu. Bon, alors, qu’on le veuille ou non, vous me permettrez de penser que peut-être on n’est pas forcément obligé d’être manichéen et simpliste.
À moins qu’on veuille absolument, et c’est cela qui pose problème dans ce texte, créer des clivages, créer inutilement des blessures , essayer de revenir sur des débats pour marquer des différences. Parce que, quand j’ai conclu ce texte, je me suis dit : « Finalement, les auteurs de ce document n’avaient qu’une idée en tête : essayer d’éviter que certains puissent voter ce texte-là. »
Et d'ailleurs, cela a été dit dans la presse, quelques confidences ont été faites par des experts en congrès qui nous ont dit : de toute manière, il faut que le clivage ait lieu, il faut que certains ne puissent pas se retrouver. Ce n’est pas mon état d’esprit. Et comme ce n’est pas mon état d’esprit, je vais aller au fond des débats puisque vous nous avez poser un certain nombre de questions.
Première question qui est posée, la question de la politique salariale et la manière dont les socialistes se réapproprient aujourd’hui le combat sur la répartition des richesses. Il y a débat entre nous, il y a un débat très sérieux entre nous. Est-ce que la ligne de clivage dans la société est entre les inclus et les exclus ? Est-ce que les socialistes travaillent comme ils l’ont fait simplement en inventant des rustines au travers de mesures compensatoires ou de rattrapages salariaux ? Ou est-ce qu’ils mettent au cœur de leur démarche la question de la répartition des richesses, et donc la question salariale ?
Sur cette question-là, le texte est d’une très grande ambiguïté. Et par exemple, vous ne portez votre attention que sur la question du SMIC comme si visiblement la question du SMIC vous avait tétanisés dans une certaine campagne électorale. À aucun moment vous ne posez la question d’une politique salariale globale qui permet justement d’unifier toutes les catégories, les catégories populaires et les couches moyennes, car, comme vous dites, pour gagner il faut rassembler et les socialistes ne peuvent pas simplement être le parti des exclus, mais qu’il doit situer la contradiction entre les revenus du capital et les revenus du travail, et qu’elle est au cœur de la crise financière. Et c’est pour cela qu’il faut effectivement, vous avez oublié, certainement par précipitation, ce qui était au cœur de notre réflexion, la conférence salariale annuelle qui permettait de poser, à l’échelle du pays, l’ensemble des questions de salaires et donc, effectivement, d’unifier l’ensemble du front salarial et social autour de cette conférence par la mobilisation des organisations syndicales, par la question de la répartition des bénéfices tels qu’ils étaient apparus dans les entreprises, tout cela est absent votre texte, alors nous allons faire une proposition parce que nous voulons avancer sur la question salariale.
Deuxième question, la question qui vous taraude, parce que visiblement cela vous perturbe énormément, la question du MoDem. Moi, personnellement, je vous le dis honnêtement, je ne suis pas un obsédé du MoDem, notamment parce que dans la motion que j’ai défendue se trouve une personne pour laquelle j’ai le plus grand attachement, elle s’appelle Martine Lignières-Cassou, elle est maire de Pau, elle sait ce que cela veut dire aller à la confrontation avec le MoDem puisqu’elle a eu François Bayrou en face d’elle. Il se trouve qu’au congrès elle a voté pour notre motion.
Donc cela veut dire qu’elle a tiré simplement la quintessence du combat que nous proposons. Personne, je le dis ici, et parce que moi je suis un petit enfant de Mitterrand et j’assume cela, personne ne veut remettre en cause la stratégie de rassemblement de la gauche, personne ne dit cela et personne ne le défend. Ce que nous disons, c’est la chose suivante, et aucun élu, aucun candidat à aucune élection ne pourra faire autrement. Lorsque nous sommes en confrontation avec la droite, c’est notre devoir pour gagner, ce n’est pas essayer de créer les conditions du plus large rassemblement. Donc oui, le cœur de notre travail, c’est le rassemblement de la gauche, c’est d’ailleurs pour cela que nous allons vous proposer un amende ment qui propose un contrat de gouvernement, des primaires de toute la gauche pour arriver à un candidat unique de toute la gauche. Voilà comment nous voulons travailler et parce que nous sommes ça que nous disons : « Nous, il n’y a pas de problème. » Je reprends la phase excellente de Bertrand Delanoë, il disait : « Je suis contre toute alliance du MoDem. Si il s’avérait que le MoDem était amené à trancher entre la gauche et la droite, alors les choses seraient changées. »
Eh bien, nous sommes pour la formulation suivante : « Nous sommes contre toute alliance avec le Modem à condition, évidemment, s’il continue à renvoyer la gauche et la droite dos à dos. » Si les choses changent, les questions se poseront autrement. Voilà comment il faut aborder la question, voilà comment nous devons l’aborder.
Dernière question, et j’en finis puisque je sens que vous êtes pressés, sur la question du fonctionnement du parti, alors là les choses sont beaucoup plus graves. Je vous le dis comme je le pense, vous êtes en train de vous poser des questions sur le fonctionnement de notre parti. Tout le monde s’en pose. Mais il y a une chose sur laquelle je ne reviendrai jamais, c’est l’autorité du vote des militants pour désigner leur candidat ou leur candidate à l’élection présidentielle. Sur cette réforme-là, c’est un acquis collectif mis en place en 1995. Personne ne l’a contesté à l’époque parce que nous savons bien l’autorité que cela donne à notre candidat. Et on a comme le sentiment que tout d’un coup certains maintenant sont gênés avec cette formule-là, ils ont peur d’affronter le vote des militantes et des militants autour de la désignation du candidat à l’élection présidentielle ? Elle va se faire où, cette désignation ? Dans un bureau, dans une combine, dans un arrangement ? Et vous croyez que ce candidat aura autorité dans le pays et dans le parti ?
Alors nous, nous nous maintenons parce que nous défendons un certain type de parti, un parti de masse, un parti ouvert, un parti populaire, le fait que ce soient les militantes et les militants qui décident qui sera leur candidat à l’élection présidentielle. Et donc, nous ferons aussi un amendement sur cette question-là.
Alors oui, mes camarades, j’ai été très sage dans ce congrès, j’ai été de ceux qui ont battu à chaque étape le rappel pour le rassemblement et l’unité. Je maintiens que c’est cela la question essentielle pour l’avenir de notre parti et je vous mets en garde : on ne peut pas, par expérience, nous le savons tous, on ne peut pas diriger le Parti en pensant qu’il y a une bonne partie et une mauvaise partie de ce Parti.

JULIEN DRAY – CONSEIL NATIONAL DU SAMEDI 6 DECEMBRE 2008
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PRESENTATION DES AMENDEMENTS
@ Michel Destot
Ce que je vous propose, puisque les amendements ont été défendus, en tout cas à la tribune, et qu’on arrive au moment du vote. Il faudrait peut-être qu’il y ait, s’il y a une explication de vote, qu’elle soit donnée, mais en une ou deux minutes par Vincent Peillon puisqu’il s’était manifesté, ou par Julien ; et que nous passions au vote des amendements puis au vote du texte d’orientation.
C’est toi, Julien, si tu veux bien le faire de façon très concise. Merci.
@ Julien Dray
Camarades, nous avons travaillé, je m’excuse de le dire, aussi dans l’urgence, donc nous avons essayé de trouver des amendements qui montraient notre état d’esprit positif dans la discussion malgré toutes les contraintes qui ont été posées et qui ont été évoquées brillamment et avec talent par un certain nombre d’orateurs précédemment.
Et je le dis pour que les choses soient claires, on vous a distribué des amendements. Mais, comme nous voulons, car c’est notre souci, essayer de faire avancer le parti, et de faire avancer tout le parti, les camarades nous ont dit, notamment sur l'Europe : attention, le rassemblement est une question compliquée dans notre parti, nous le savons, il y a des questions qui restent encore en débat. Donc nous avons reformulé l’amendement sur l'Europe pour permettre justement que tout le monde puisse s’y retrouver et qu’on ne dise pas : ah, mais vous avez trop tordu le bâton dans un sens et donc ce n’est pas possible de l’adopter.
Voilà pour l’explication sur les différentes choses. À cela s’ajoute, je le dis, l’intervention excellente de mon camarade Terrasse qui pose un vrai problème sur le financement des retraites et donc nous avons ajouté, par rapport à la feuille qui vous a été donnée, un amendement sur la question des retraites.
Voici donc les amendements tels qu’ils se situent, et je vais les lire.
Michel Destot
Non, résume, si tu veux bien, chaque amendement par son titre puisqu’on les a et que tu as ajouté celui de Pascal. Merci, Julien.
Julien Dray
Non, je vais les lire rapidement. En plus, je sais lire vite, moi.
L’amendement à la page 2 : « La règle du tout pour les actionnaires durant les vingt perverses* s’est accompagnée d’un développement aberrant du crédit pour distribuer du pouvoir d'achat aux salariés aux frais de ces derniers. Mais nous voulons revenir à une vraie politique salariale et faire du salaire et refaire du salaire le principal déterminant du revenu. Une telle politique ne doit pas viser simplement les bas revenus et donner le sentiment d’un nivellement vers le bas, mais tirer vers le haut l’ensemble de l’échelle des salaires pour stopper le descenseur social et le sentiment de déclassement qui frappe désormais les classes moyennes. Cela se traduira par l’instauration d’une conférence salariale annuelle. Et je vais ajouter un mot pour faire plaisir à mon camarade Vidalies qui a voulu faire plus à gauche que moi en mettant : préparée branche par branche. Cela s’accompagnera d’une sortie de la logique des revenus compensatoires qui bloque l’augmentation des salaires. Nous sommes contre l’assistanat. » Voilà, cet amendement est inchangé.
Deuxième amendement…
Michel Destot
Nous les avons sous les yeux, ces amendements. Tu dois faire respecté, tu as été en responsabilité, on doit faire respecter notre ordre du jour avec les horaires. C’est quand même le respect minimum que nous nous devons.
Julien Dray
Écoutez, moi je respecte tout. Je pense que quand on fait voter les camarades on est en droit quand même de leur dire sur quoi ils votent.
L’amendement sur l’insécurité, vous l’avez, il ne change pas. L’amendement sur la question de l'Europe, nous l’avons reformulé pour permettre le rassemblement du parti. Et j’insiste puisque, si je me souviens bien, il y a un porte-parole du parti qui a démissionné sur la question de l'Europe il y a quelques mois, donc nous voulons clarifier les choses : « Les socialistes français ont accepté le minitraité de Lisbonne, mais ils ne peuvent s’en satisfaire. C’est pourquoi ils proposent à l’ensemble des socialistes européens de mettre au cœur des prochaines élections au Parlement européen la question des conquêtes démocratiques et citoyennes de l'Europe adossée à une charte sociale contraignante. Nous voulons un Parlement européen souverain, car l'Europe ne peut plus avancer simplement par la seule logique intergouvernementale. »
Sur les autres amendements, vous le savez.
Sur la question de la cotisation, tout ce que nous avons dit, c’est que nous étions pour une cotisation qui permette, notamment à ceux qui sont en difficulté, d’adhérer quand même au Parti socialiste. Donc nous disons qu’il faut que la cotisation de base soit la plus proche de ce qui permet à ceux qui n’ont pas de gros revenus de pouvoir adhérer au Parti socialiste.
Vous avez une autre question qui a été posée dans le débat, c’est évidemment la question à laquelle nous sommes très attachée, c’est-à-dire le principe que c’est les militantes et les militants qui décident de qui va les représenter dans les élections.
Nous avons évidemment clarifié les choses pour que nous soyons au clair et les uns et les autres sur la question du rassemblement en prolongeant la discussion que nous avons eue concernant les alliances et la manière dont nous voulons conduire le combat pour le rassemblement de la gauche avec des primaires et un candidat unique pour toute la gauche.
Et sur la Sécurité sociale, puisque vous ne l’avez pas, nous l’ajoutons en disant : « Le financement des retraites doit s’asseoir sur une assiette qui tienne compte des revenus du travail. Seuls les avantages non contributifs peuvent être financés par la fiscalisation. La question de la taxation de la valeur ajoutée dans les entreprises ne peut en aucun cas être l’élément des inégalités financières des retraites. »
Et l’autre amendement : « Sur la fiscalité, une réforme visant à fondre l’IRPP, la CSG et les impôts locaux pour créer un grand impôt progressif. » Ce qui a été, je considère, un acquis collectif de nos débats.
Voilà donc l’ensemble des amendements qui sont soumis au vote et à la discussion.
Michel Destot
Merci Julien. Mes chers camarades, nous allons passer au vote. Les choses sont claires. Il y a un texte d’orientation qui a été présenté tout à l’heure par Harlem au nom des motions A, C et D. Des amendements viennent d’être présentés, rappelés par…et donc les amendements.
Je vous demande d’être raisonnables.
D’abord, les amendements.

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